lundi 10 septembre 2012

Civ. 1re, 7 juin 2012 : la cour de cassation refuse de reconnaître en France une décision étrangère ayant prononcé l'adoption d'un enfant par deux hommes


Dans deux espèces qui lui étaient soumises, la Cour de cassation refuse l’exequatur de jugements prononçant l’adoption d’un enfant par un couple homosexuel:
- dans la première espèce (n°11-30261), l’adoption de l’enfant avait été prononcée par un jugement britannique. Le couple vivait en Grande-Bretagne, l’un des deux parents était français ;
- dans la seconde espèce (n°11-30262), l’adoption avait été prononcée par un juge canadien. Le couple résidait au Canada et chacun des deux membres avait la double nationalité franco-canadienne.

Alors que le tribunal de grande instance de Paris avait refusé l’exequatur dans les deux cas, la cour d’appel l’avait ordonnée au motif que la décision étrangère qui prononçait l’adoption ne méconnaissait aucun principe essentiel du droit français ou d’une procédure étrangère et ne portait pas atteinte à l’ordre public international.

La Cour de cassation  rappelle qu’ « est contraire à un principe essentiel du droit français de la filiation, la reconnaissance en France d'une décision étrangère dont la transcription sur les registres de l'état civil français, valant acte de naissance, emporte inscription d'un enfant comme né de deux parents du même sexe ».

Selon la Cour de cassation, deux textes ont été violés par la cour d’appel :

-  «  nul ne peut être adopté par plusieurs personnes si ce n'est par deux époux, de sorte qu'en reconnaissant l'adoption conjointe par deux personnes non mariées, la cour d'appel a violé l'article 346 du code civil, dont les dispositions relèvent de l'ordre public international français » ; 
- «  le juge doit vérifier que sa décision pourra être exécutée et qu'elle ne conduit pas à créer une obligation juridique subséquente sur le territoire national, qui serait elle-même contraire à l'ordre public ; qu'en l'espèce, l'exequatur de la décision canadienne devrait conduire à la transcription de l'adoption sur les registres de l'état civil français, valant acte de naissance, dans lequel l'enfant sera dit être né de deux parents du même sexe, heurtant ainsi les dispositions d'ordre public relatives à la filiation, qui interdisent l'établissement conjoint de la filiation par deux personnes du même sexe ; qu'en accordant l'exequatur, la cour d'appel a violé l'article 509 du code de procédure civile ensemble les principes essentiels du droit français régissant l'établissement de la filiation ». 

Rappelons que le conseil constitutionnel a considéré dans une décision du 6 octobre 2010 (clic) que l'interdiction de l'adoption d'un enfant par la compagne de sa mère n'était pas contraire à la Constitution et que la Cour européenne des droits de l’Homme, dans un arrêt du 15 mars 2012(clic)   n’a pas jugé discriminatoire  le refus d’adoption simple de l’enfant par la compagne de la mère.

Civ. 1re, 7 juin 2012,  11-30261 (clic) et n°11-30062 (clic)


Commentaires dans les revues : D.  2012, Jur. p. 1992, note D. Vigneau.